Depuis hier, quelques heures nous ont rincé - 29.01.09 (jour 3)

Publié le par Simon

Je reprends mon  crayon et mon cahier pleins de ratures (c’est pas simple d’écrire, encore plus d’être intéressant). C'est tout un travail.
Nous sommes le Jeudi 29 Janvier, il est 21 h. C’est le premier moment depuis hier, où je vous laissais avec ma faim et la nuit tombante sur notre première navigation que j’ai le temps d'écrire. Il faut dire que le rythme a été plus soutenu.

En effet, la nuit est tombée et le vent s’est levée. A bord tout a changé.

Yvon nous invite à passer à table, c’est prêt pour notre repas du soir. En mer, l'alimentation est l'un des points essentiels. de celle-ci dépend la forme de l'équipage qui doit être prêt physiquement a encaissé le gros temps et les heures en mer sans pouvoir dormir. Si nous commençons a mal nous alimenter,  nous subissons chaque vague et l'environnement générale devient une aggression permanente. Il y a un cercle dans lequel il ne faut pas rentrer sinon les heures deviennent trop longues, nous devenons moins réactifs et on laisse passer des dangers qu'on éviterait logiquement en bonne forme. 
On se met donc à manger, mais à la table gîtée de 25 à 30 degrés les coups de fourchettes se font de plus en plus lents. « Quelqu’un veut ma côte porc ? » devient une phrase à la mode. « Là, ça a du mal à passer. » Nous finissons nos assiettes dehors le vent au nez pour reprendre des couleurs. Tan pis pour le goût et la chaleur.

Autant la journée avait été belle ; nous avions de belles conditions ventées et dégagées pour naviguer ; autant la nuit qui s’est passée fut plutôt moyenne … intéressante mais moyenne.

Le capitaine est de quart pour les trois premières heures de cette nuit… et au final il y restera plus, plus ou moins accompagné par ses équipiers.

Il est donc 21 h, et je le rejoint dans le cockpit car d’une je m’y sent mieux qu’à l’intérieur et de deux, mon prochain quart sera celui de 3h à 6h, j’aurai donc le temps de me reposer plus tard. Je l’aide à réduire les voiles car les conditions continuent à se muscler. Puis je rentre car ça caille sévère dehors et c’est vraiment très humide, iol ne faut que je commence à perdre inutilement mes calories. Je décide donc de rester sur la banquette du carré à disposition pour les manœuvres. C’est là que tout devient moyen, je m’allonge, il fait de plus en plus froid et je deviens de moins en moins bien, donc je prend de plus en plus froid, et donc je suis de moins en moins bien … ainsi de suite.

Pendant ce temps là, à la radio VHF sur le canal de sécurité, un opérateur du CROSS Méditerranée (administration qui gère la circulation et sauvetage en mer) annonce sereinement depuis son bureau chauffé ce qu’on appelle un BMS. Ce qui signifie Bulletin Météo Spécial. En d’autre terme, cela signifie que le temps initialement prévu va changer et en pire. Le temps auquel nous pensions avoir à faire ne sera pas au rendez-vous. A la place, un vent force 7 et la mer de vent qui l’accompagne fidèlement vont croiser notre route. J’aurai préféré une autre fréquentation pour cette première nuit. Nous pensions la passer en douce et tendre compagnie. Mais, c’est plutôt avec un temps agité et imprévu que les heures suivront, un peu à l'image du bon vieux pote relou et rustique qui s’invitera à l’improviste chez vous et vous collera une bonne vieille tape dans le dos et vous tenir la grappe pendant des heures trop longues.

Moi, alors que ce vieux pote encombrant vient juste de pointer son nez à bord et nous souffle de trop près son haleine chargée, il me saoule déjà et me provoque quelques relents désagréables. Je préfère le quitter un moment. Je le laisse avec Marcus et je viendrai prendre le relai entre 3h et 6h comme prévu. L’option « couchette » se profile donc pour moi, synonyme dans mon esprit de petit nid douillet, chaud et sec. De quoi faire rêver… un peu de paix.

Que nenni !! je me suis emballé un peu vite. L’image du petit nid douillet est bien loin de la situation. Le duvet est gelé et humide, mon collant ni fait rien, le bonnet non plus, et la polaire me gène plus qu’autre chose… A cela, ajoutez la gîte du bateau qui fait que la paroi incurvée de ma cabine devient mon matelas (un peu dur) et vous voyez quelque peu la situation. De plus, j’ai la poignée du hublot dans le dos et seuls les quelques centimètres de la coque qui me sépare de l’eau à 10 degré. Autant dire que j’ai le cul au frais. Pour agrémenter cela, ajoutez quelques secousses (le bateau commence à taper un peu contre la houle) et le bruit qui va avec. Et enfin, pour assaisonner cette situation peu confortable, versez une bonne dose d’eau de mer salée à souhait. Eh oui, pour finir une vague fait enfourner le bateau par l’avant (ma cabine est à l’avant) et le pont est copieusement arrosé ainsi que l’aération qui donne sur ma cabine (aération théoriquement pensée pour que l’eau n’y pénètre pas). Et comme par hasard, c’est Bibi qui se ramasse les restes de cette vague à l’intérieur même de sa cabine. En plein  sur le duvet. Super… maintenant je suis mouillé. L’option « couchette » s’avère donc être un véritable fiasco. Je rebrousse chemin et me casse de cette cabine à la con. La côte de porc difficilement avalée plus tôt dans la soirée décide que je ne la digérerai pas. Elle aussi rebrousse chemin. Elle finira par-dessus le balcon, en pleine mer, tel est son souhait. Je respecte.

Ça va donc moyennement bien pour cette première nuit à bord quelque peu agitée. Maintenant je n’ai plus le choix, je finirai ma nuit dans le carré en attendant mon quart. J’essaye de dormir.  Impossible, plusieurs coups de gîtes se succèdent. Un plus fort que les autres fera sauter la moitié des  bouquins de la bibliothèque. Ceux-ci me raseront pendant leur vol et finiront en vrac au sol. Décidément on m’en veut cette nuit. Je les ramasse dans un coin à quatre pattes. On verra demain pour mieux les ranger.

A 00h 30 j’enfile mon ciré et vais poser mes fesses dehors dans le cockpit, recroquevillé derrière la capote qui nous protège du vent et des embruns qui traversent le bateau de part en part. ça caille et c’est humide, mais les étoiles sont là pour le moment … et … c’est déjà ça. Jusqu’à six heures j’y resterai en compagnie de Marcus qui restera de veille toute la nuit. Quant à moi, je suis là, et j’essaye de veiller un peu également et ma nuit pourrait se résumer à la routine suivante : j’me frotte les mains, je bouge les pieds, je remue les épaules pendant quelques minutes … cette chorégraphie me réchauffe suffisamment  pour piquer des choux et je roupille légèrement quelques minutes. Puis je me réveille en sursaut, je regarde à l’horizon les éventuels bateaux qui croiseraient notre route. Rien à signaler, j’ai froid et ma routine repart pour un tour. Ainsi passera ma première nuit de navigation.

A 8h 00 nous venons de dépasser Marseille sur babord et nous poursuivons ainsi le long de la côte. Chaque ville représente pour moi un pas de plus vers notre objectif final qui est Porquerolle. Le jour est revenu et c’est un grand soleil qui nous réchauffe et chasse le vent. On avale un petit déjeuner hésitant à emprunter le bon chemin et chacun d’entre nous découvre la tête fatiguée des autres. Le vent continu de mollir, puis plus rien. C’est la pétole et les voiles battent au rythme de la houle résiduelle. A ce rythme, nous ne serons jamais à Porquerolles dans les délais, à moins de démarrer le moteur pour les derniers milles à parcourir. Mais l’idée de continuer plusieurs heures au moteur ne nous enchante pas. De plus, à deux milles de notre position, une petite île inconnue pour nous semble accueillante et paisible. On change de cap direction l’île des Embiez. On y passera le reste de la journée et la nuit suivante qui nous donne déjà envie.

C’est l’occasion pour Marcus de nous former aux manœuvres de port sur un bateau de 45 pieds, ce qui est une chose plutôt délicate. On se motive, on est chaud, on est prêt, juste ce qu’il faut de pression pour être bien concentré car il ne faut pas se planter. C’est souvent dans les manœuvres de port que la plupart des petits dégâts arrivent. Même lentement, le moindre contact non protégé avec un autre bateau ou un quai peut provoquer des dommages car les masses sont considérables (notre bateau pèse 16 tonnes et bien sur il n'y a pas de frein). Ainsi, nous guettons les places libres où nous pourrions nous mettre. Le capitaine du port sort de son bureau et nous dit « mettez-vous ici !», puis « non là ! »… Il commence à nous saouler celui-ci, on ne va pas changer dix fois l’emplacement de nos amarres, il faut prendre une décision. On fait donc des ronds dans l’eau, des marches avant, des marches arrière sans vraiment être plus avancé dans notre manœuvre. Puis re-marche avant et re-marche arrière, et ce qui devait arriver arriva. BA, on cale. DA, on ne démarre plus. BOUM, le fusible du contact est grillé et nous dérivons en crabe sur un quai en béton non prévu pour nous recevoir. Il faut faire vite, Marcus jette l’ancre en plein milieu du port ce qui est peu banal dans un endroit rempli de place le long des pontons. C’est sûr, ce ne sera pas la plus belle manœuvre que nous auront à faire. Un zodiac viendra ensuite nous pousser vers une vraie place.

Nous sommes donc depuis ce midi sur cette île provençale à quelques encablures de la côte à la hauteur de Bandol. Le temps est agréable et nous fait oublier nos deux à trois heures de sommeil. Le repos ne nous semble plus très loin, mais en voile, le bateau est souvent la priorité absolue. Il passe avant nous. On l’éponge, le sèche et l’aère. "Ce qui est fait n’est plus à faire". Nous passerons après. Il faut donc sortir matelas et draps (pour certains), on déballe tout à quai, on rince tout ce qui a goûté à l’eau etc. 24 h de navigation auront suffi pour mettre à mal l’intérieur du bateau.

Il est 17 h et nous venons de terminer. Ensuite : guitare , bouffe, douche, et je suis en train d’écrire sur mon cahier le récit de cette journée que je retranscrirai sur mon blog lors de ma prochaine connexion possible.

Cela Fait déjà une dizaine d’heures que nous sommes amarrés dans le port et avec la fatigue j’ai toujours l’impression que le bateau gîte. Je m’écroule de fatigue (très bonne fatigue), et je n’ai plus trop envie d’écrire ni de finir cette phra…

 

Simon, le 29.01.09 à Île des Embiez poil au nez.

Publié dans Journal de Bord

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D
Excellent ton recit Simon, continue a ecrire comme ca ! Je suis sous ma couette et rien que de lire tes mesaventures ca me donne froid. T'en fais pas, le printemps fini toujours par arriver.Profites-en bien, a plus copain.
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P
Salut fiston,Ici à la haie tout va béné. Nous avons les mm conditions météo que toi à part que nous on peu monter plus facilement le thermostat. Je sais que dans 1 mois cela risque de tourner à ton avantage. Peux tu nous décrire tes sensations quand tu es à la barre et que tu surf la vague. Je suis d'accord avec toi quand tu parles de partager les aventures, c'est pourquoi je te donne RDV dans 4 mois en Grèce ou là je prendrai le relais à bord de Camerone et toi tu rentreras avec Jacqueline, tu sais bien qu'elle n'aime pas l'eau.Dans 1 mois ou +, Mathieu et moi on va faire une sortie en mer à bord d'un canoé pneumatique et des pagaies. Nous vous raconterons le perriple, je sais on va pas écrire un roman de 100 pages. Bonsoir à vous 4 et à bientôt.
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M
Heureusement que tu avais un sac étanche ! A t-il tenu ?J'avais pas de place pour me glisser dedans mais avec ton blog c'est tout comme ! On attend la suite des évènements.A +
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M
Vraiment sympa, c'est vrai que c'est bien écrit et je vois que tu te donne du mal, mais c'est pas pour rien on est à fond dedans ! tu décris tellement les choses que j'ai le vraiment l'impression de t'y voir, et tes mésavantures me fond bien marrer du coup (je sais c'est horrible mais j'y peux rien...). A Bientôt Matelos.
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L
bravo, ton journal est très bien rédigé, très agréable à lire, on va pouvoir te suivre. Je vois que la vie à bord de CAMERONE, n'est pas de tout repos, mais c'est les premiers jours.Pour nous tout va bien nous revenons de la neige, semaine très agréable avec le soleil, ballade en raquettes, et chiens de traineaux, super. Nous étions avec Lucie et Julien et Siméo, le petit bout de chou a bien apprécié l'airmontagnard du Massif du Sancy, il a été adorable.Bon j'arrete de raconter ma vie, Nous te faisons de gros bisous en attendant le prochain journal,  BON VENT
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